par Jean-Paul Bouchet
Le redressement productif passe par un débat sur la redistribution de la valeur ajoutée, sur les critères de décision et le soutien aux entreprises intermédiaires.
Durant
les Trente Financières (des années 1980 aux années 2000), l’entreprise
en tant que collectif de travail n’a pas été épargnée : sa capacité
d’investissement et d’auto financement de sa compétitivité sont passés
après la redistribution vers les actionnaires, et parfois même après
celle envers les salariés. La redistribution de la valeur ajoutée doit
concerner prioritairement la pérennité de l’entreprise. Quelles sont les
causes de cette déviance ? L’étroitesse du prisme de la prise de
décision des dirigeants n’est pas étrangère aux situations constatées.
On l’a souvent écrit. Cela pose précisément la question du référentiel
des critères. Cela renvoie à la question de la formation initiale et
continue des élites économiques. Ils signent des déficits
d’anticipation, d’évaluation et de planification stratégique. Des
déficits culturels de responsabilité sociétale ! Combien de cadres
dirigeants ont un cap sur cinq ans ? La crise financière ne doit pas
masquer la crise de l’entreprise et de l’organisation du travail.
Par
ailleurs, la responsabilité sociétale des entreprises et des décideurs
consiste à mesurer toutes les externalités négatives, c'est-à-dire le
coût externalisé vers la collectivité, les sous-traitants,
l’environnement écologique, etc. dans les prises de décision. Parmi
elles, il en est une rarement pointée, c’est la rupture de la chaîne de
coopération lors d’opérations d’externalisation ou de sous-traitances
d’activité de production. Si la performance collective d’une unité de
production est directement liée à la qualité des coopérations, comme le
soulignent désormais de nombreux experts, il y a lieu de mesurer les
impacts de la fracture organisationnelle.
Cette
responsabilité sociétale doit être questionnée par les équipes
syndicales. Notons qu’il n’est pas inutile de pointer la difficulté
rencontrée par les équipes militantes pour questionner les stratégies
économiques et industrielles. Elles manquent de grilles d’analyse et
surtout d’espaces de questionnements. Cela repose la question de la
place des représentants des apporteurs de travail à côté des apporteurs
de capital dans la gouvernance des entreprises.
Enfin,
à l’heure où les grandes entreprises dénoncent la politique fiscale du
gouvernement sans pour autant s’accorder sur une réforme d’ampleur, un
mot sur les petites entreprises. La France souffre de l’absence d’un
tissu opérationnel d’entreprises de taille intermédiaire (ETI). Et d’un
taux ridiculement faible de petites entreprises exportatrices.
Saviez-vous qu’une TPE sur 20 exporte ses biens ou services ? Et lorsque
c’est le cas, la part de chiffre d’affaire à l’export est très
minoritaire. Voilà des grands handicaps de compétitivité. Ce diagnostic
pose clairement la question du soutien des pouvoirs publics à
l’émergence des ETI. Et surtout sur des secteurs porteurs et innovants.
Une analyse critique des dispositifs existants est une priorité. Le
redressement productif ne se nourrit pas de coups d’éclats mais d’une
mise en débat de l’organisation de l’activité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire