La rupture conventionnelle n’est pas un licenciement



Le point sur la jurisprudence à l'heure où la procédure augmente chaque année.

La rupture conventionnelle connaît un succès non démenti, passant de 20 925 conventions homologuées par mois en 2009 à 23 944 en 2012. L’année 2013 poursuit le mouvement avec une moyenne de ruptures conventionnelles en hausse à nouveau de 10%. C’est dans ce contexte que les conseils de prud’hommes attendent avec intérêt les décisions de la Cour de cassation relatives à la signature d'une rupture conventionnelle dans un contexte de litige préexistant. Sur notre plateforme InfoPrudhommes, nombre de témoignages rapportent les pressions exercées par l’employeur pour obtenir la rupture. Les conseils de prud’hommes s’attachant, "en cas de rupture équivoque", à établir qui, de l’employeur ou du salarié est à l’origine de la demande, des manœuvres exemptes de bonne foi sont mises en œuvre pour imputer au salarié la demande de rupture.

Si a priori la lettre du texte n'exclut pas la signature d'une rupture conventionnelle dans un contexte de litige préexistant, rappelons que la cour de Cassation a eu l'occasion de préciser "que la rupture d'un commun accord du contrat de travail à durée indéterminée a pour seul objet de mettre fin aux relations des parties ; qu'elle ne constitue pas une transaction destinée à mettre fin, par des concessions réciproques, à toute contestation née ou à naître résultant de la rupture définitive du contrat de travail, et ne peut avoir pour effet, peu important les termes de l'accord, de priver le salarié des droits nés de l'exécution du contrat de travail’’(arrêt du 15 décembre 2010, 09-40701).

Une rupture conventionnelle est-elle légale en cas de litige préexistant ?


Il faut en conclure que le salarié peut parfaitement, nonobstant la signature d'une rupture conventionnelle, demander d'être rempli des droits qui étaient les siens dans le cadre de l'exécution du contrat de travail.  Parmi les exemples de notre plateforme on peut citer le droit au paiement des heures supplémentaires effectuées, le paiement effectif de l'indemnité de congés payés ou des jours de RTT non pris, etc.

Mais la question de droit qui reste non tranchée est celle de savoir si une rupture conventionnelle est légale lorsqu'elle est signée dans un cadre de litige préexistant.

On constate un clivage de la jurisprudence entre les cours d'appel (CA) qui estiment que la rupture conventionnelle ne peut être contestée même en cas de litige préexistant (CA Rouen 12 avril 2011, CA Montpellier 16 nov. 2011, CA Paris 22 fév. 2012, CA Lyon Section A 2 avril 2012 et 7 mai 2012) et celles qui estiment qu'une rupture conventionnelle ne peut être signée dans un cadre litigieux (CA Riom 18 janv. 2011, CA Versailles 15 déc. 2011, CA Lyon Section C 2 déc. 2011).

Autrement dit pour les premières la requalification de la rupture conventionnelle en rupture du fait de l'employeur portant les effets indemnitaires d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse est tout simplement impossible et pour les secondes il est au contraire possible de demander des dommages intérêts en raison de la rupture en sus des droits éventuels liés à l'exécution du contrat de travail.

Dans l’expectative, il parait nécessaire de défendre le principe que chaque partie doit y avoir trouvé son compte et, qu'à défaut, le salarié est fondé à dénoncer la rupture intervenue dans un contexte d'abus de droit dépourvu d'application de bonne foi du contrat de travail, un tel contexte ouvrant droit à réparation. Encore faut-il prouver l’abus de droit car en général les pressions exercées se font en tête à tête dans la plus grande discrétion. On ne peut donc que conseiller au salarié de ne jamais se présenter seul aux tractations comme l'y autorise expressément le code du travail et le fait que l'employeur lui signifie qu'il prendra la présence d'un "conseiller" comme un "acte d'agression" doit l'alerter.

La jurisprudence s’est en revanche stabilisée sur la possibilité d’obtenir la requalification de la rupture conventionnelle lorsque celle-ci a eu pour objet ou pour effet de priver le salarié de ses droits. C’est notamment le cas quand une rupture conventionnelle est proposée alors que le salarié avait droit soit à un licenciement économique, soit à un licenciement pour inaptitude en raison de son état de santé.

La cour de Cassation a déjà précisé que l'annulation de la convention pouvait être sollicitée par les salariés lorsque celles-ci se sont substituées  à des licenciements qui aurait dû être économiques . L'instance doit être engagée par les salariés concernés,  le comité d'entreprise et les syndicats ne sont pas recevables, faute de qualité, à demander l'annulation de conventions de rupture auxquelles ils n'étaient pas partie. (Cass. soc., 9 mars 2011, 10-11581)

L'annulation des conventions apparait dans cet arrêt comme la sanction de l'illégalité de la rupture ce qui constitue une différence avec la solution retenue par les juges du fond pour les ruptures signées dans un cadre d'un litige préexistant où la sanction communément admise est le simple octroi de dommages-intérêts.

Lorsque la rupture conventionnelle est liée à une cause économique l'arrêt précité précise que leur nombre doit être pris en compte dans un plan de sauvegarde de l’emploi pour déterminer les seuils définissant les obligations d’information et de consultation des représentants du personnel qui incombent à l’employeur .

La jurisprudence des juges du fond a également retenu la possibilité d’obtenir la requalification de la rupture conventionnelle lorsque celle-ci a eu pour objet ou pour effet de priver le salarié de ses droits protecteurs en matière de licenciement pour inaptitude liée à son état de santé.

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