S’il est un sujet qui touche l’ensemble
des cadres au travail, c’est bien celui des espaces de travail. Quel que
soit le métier exercé, les outils utilisés sont souvent les mêmes. Pour
travailler, le cadre, l’ingénieur ou le manager a besoin d’un
ordinateur et d’un téléphone ou d’un smartphone, d’un stylo et de papier
pour prendre des notes. L’espace de travail du cadre peut se réduire à
ces instruments. Il est en réalité bien plus, tant les nouvelles
technologies bouleversent les manières de travailler. Avec ces nouvelles
technologies, l’espace de travail s’est atomisé. Le cadre peut faire
une partie de son travail de presque n’importe où. Il peut lire ou
répondre à ses mails, téléphoner et lire des documents, de son bureau,
de chez lui, dans les transports en commun ou dans des tiers-lieux qui
commencent à émerger, espaces de coworking, télécentres et fab labs que
nous présente Xavier de Mazenod dans un article du dossier (*). Il peut
faire l’économie de voyages pour rencontrer des collaborateurs ou des
clients qui travaillent ailleurs, grâce à des outils aboutis de partage
d’écrans (exemple de Cisco). L’espace physique du bureau : une salle
avec un bureau, un ordinateur, un téléphone, une chaise et une armoire
parfois partagée à plusieurs personnes ne recouvre plus la réalité.
L’espace de travail s’est étendu. Il est devenu virtuel. Il s’adapte aux
échanges et aux coopérations entre collaborateurs d’une même entreprise
ou entre un salarié et son client, quelle que soit la localisation des
uns et des autres.
Cette
notion de collaboration est au coeur de la question des espaces de
travail. Elle détermine la configuration des espaces de travail dans les
immeubles de bureaux. Plus fondamentalement, l’emplacement des bureaux,
le choix des open space ou des bureaux fermés révèle des choix
managériaux. Marc Szabo nous l’explique bien. Dans son entreprise, la
direction utilise les déménagements successifs des collaborateurs d’un
bâtiment à un autre comme un outil de management de crise. De manière
plus générale, le choix des open space révèle l’importance des modes de
management anglo-saxons. A mesure que de nouveaux modèles managériaux se
dessineront autour de ces nouvelles coopérations rendues possibles par
l’utilisation des nouvelles technologies,de nouveaux espaces de bureaux
s’inventeront, nous explique Xavier Baron. Paradoxalement enfin, les
nouvelles technologies ont dématérialisé les espaces de travail. Dans le
même temps, elles renforcent la légitimité des espaces de travail
physiques dans l’entreprise ou l’administration car les échanges
informels et réels entre les collaborateurs restent indispensables. Ils
font la vie de l’entreprise, ils garantissent son unité. Dans un tel
contexte, les accords de télétravail peuvent répondre à des
préoccupations financières des employeurs en réduisant les frais
locatifs des entreprises et aux aspirations personnelles des salariés en
évitant des migrations pendulaires épuisantes. Ils ne gomment pas pour
autant la question des espaces de travail, et il semble difficile de les
généraliser à toutes les situations. Les immeubles de bureaux ont
encore de beaux jours devant eux. Les syndicalistes se sont largement
emparés des questions du temps et des conditions de travail. Peut-être
moins de celle des espaces de travail. Avec les nouvelles technologies,
la porosité des temps et des lieux s’est accentuée. Le thème des espaces
va devenir de plus en plus important. Les syndicalistes devront prendre
en compte dans leur façon de penser le travail et son organisation
cette question des espaces. L’accord national interprofessionnel sur la
qualité de vie au travail leur en donne l’opportunité.
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