Droit, devoir ou pouvoir de déconnexion, d’isolement, de coupure?
1995, à l'heure où le Minitel trônait encore face au web, la CFDT Cadres écrivait déjà la nécessité de négocier le droit à l’isolement et le droit de coupure que nous avons traduit dès 2002 en droit à la déconnexion. À l’époque, nos adhérents cadres n’y prêtaient pas une grande attention. Les temps changent. En 2010, dans un sondage CFDT Cadres auprès de jeunes diplômés, 60 % d’entre eux réclamaient des règles d’utilisation des TIC… Coupure et Isolement reviennent sur le devant de la scène.
Droits et devoirs de déconnexion
La CFDT Cadres a maintenu le cap depuis lors, de plus en plus vigilant compte tenu de la montée en puissance des Technologies de l’Information et de la Communication. Cette vigilance est justifiée sur plusieurs plans : la qualité du travail quand il est sans cesse interrompu par les vecteurs technologiques multiples, quand le flux du robinet d’info devient ingérable ; la qualité de sa santé quand l’utilisation vire à l’addiction, quand l’exigence de joignabilité devient permanente mettant à mal le droit au repos.
Le devoir de repos a été rappelé il y a moins d’un an dans un arrêt de la cour de cassation portant sur la situation d’un cadre en forfait jour. L’employeur a le devoir de garantir le droit à la coupure permettant le repos. Les salariés doivent pouvoir faire valoir leur droit.
Dans un rapport sur le télétravail rendu au ministre Besson en ce début du mois de mai 2012, le cabinetGreenWorking alerte sur le vide juridique relatif au droit à la déconnexion : ''Le télétravail … remet profondément en cause les notions de temps et de lieu de travail tels qu’ils sont définis dans le Code de travail. L’enjeu pour préserver un salarié autonome dans la gestion de ses taches et de son temps ne passe plus tant par le contrôle du temps de travail que par le respect du droit à la déconnexion. Ce vide juridique face à des TIC de plus en plus invasives pose problème : ce droit à la déconnexion est en effet le seul qui peut garantir aux travailleurs de la connaissance un équilibre psychologique satisfaisant.''
Mais un vide juridique rempli en fera naitre un nouveau : ainsi de l’inscription du télétravail dans le Code du travail ! Peut-on agir différemment ?
Le pouvoir de déconnexion
''Se déconnecter est la meilleure façon de se parler'' : sous ce titre, un article de presse attire l’attention sur le travail d’une chercheure américaine, Leslie Perlow. Son ouvrage relate l’expérience menée dans un grand cabinet de conseil dont les consultants sont équipés de smartphones connectés en permanence. Il a été demandé ''aux membres de chaque équipe de consultants de se coordonner pour que chacun d’entre eux puisse bénéficier d’au moins un temps hebdomadaire de déconnexion totale au cours duquel la norme est de ne pas se connecter. La mise en œuvre de ce changement modeste a eu de effets positifs spectaculaires … satisfaction des salariés … perception du climat de travail … amélioration de la communication entre les salariés...''
Cette expérience vient enrichir la palette de ce qui peut être fait pour reconquérir le pouvoir de déconnexion face au TIC, le pouvoir de penser : de façon auto organisée ici traduisant un ''engagement collectif'', par le dialogue managérial pour la joignabilité des salariés télétravailleurs, de façon concertée pour contrecarrer l’invasion des mails et réguler le devoir de réponse (cf. les préconisations de l’Orse), etc.
Agir ainsi sur le travail, sur les TIC dans le travail, c’est remettre de la qualité dans le travail, de la qualité de vie sociale dans le travail, et rendre notre travail ensemble plus efficient