Service juridique-CFDT
Un
salarié qui entend obtenir la reconnaissance d’une inégalité de
traitement, suite à l’octroi d’augmentation individuelle, doit rapporter
la preuve de faits susceptibles de caractériser cette inégalité. S’il y
parvient, l’employeur doit alors prouver, et non pas seulement
alléguer, que cette inégalité repose sur des éléments objectifs. Cass.soc, 06.05.2015, n°13-25821
- Les faits
Il obtient gain de cause devant la Cour d’appel. Cette dernière retient que l’employeur ne rapportait pas la preuve d’éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant l’absence d’augmentation individuelle pour le salarié requérant. La Cour a en effet considéré que les allégations de l’employeur ne suffisent pas à faire la preuve d’éléments objectifs : il indiquait, sans le prouver, avoir attribué les augmentations individuelles prévues par l’accord collectif en fonction des performances individuelles et qu’aucun salarié du service recherche et développement n’en avait bénéficié, compte tenu des performances décevantes de ce service.
L’employeur saisit alors la Cour de cassation d’un pourvoi. Selon lui, le salarié qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement doit rapporter la preuve d’une disparité de traitement par rapport à des salariés placés dans la même situation que lui. Il considère que la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en retenant qu’il n’apportait pas la preuve d’éléments objectifs justifiant la disparité, alors même que le salarié ne prouvait pas cette disparité.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et donne ainsi tort à l'employeur.
- Preuve de l’inégalité de traitement : un contrôle de la Cour de cassation en deux temps
Rappel du principe: il « appartient
au salarié qui se prétend lésé par une discrimination salariale de
soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une
inégalité de traitement » et « il incombe à l'employeur de
rapporter la preuve d'éléments étrangers à toute discrimination,
justifiant l'inégalité de traitement dont se plaignent les salariés »(1).
- Preuve par le salarié d’éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalitéTout d’abord, la Cour de cassation vérifie la preuve d’éléments de faits susceptibles de caractériser une différence de traitement, qui incombe au salarié.
En l’espèce, elle valide la cour d’appel qui avait relevé que « le salarié n’avait pas reçu d’augmentation individuelle de salaire en application de l’accord de négociation annuelle des salaires signé le 4 février 2009, quand d’autres salariés appartenant comme lui au personnel des cadres avaient reçu une telle augmentation et ainsi fait ressortir que ce salarié rapportait la preuve d’éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ».
- Preuve par l’employeur d’éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant la différence de rémunération
Ensuite, une fois la preuve d’éléments susceptibles de caractériser une différence de rémunération établie, la Cour de cassation vérifie si l’employeur parvient à prouver que cette inégalité est justifiée par des éléments objectifs. En l’espèce, elle valide la cour d’appel qui a constaté « que l’employeur n’établissait pas l’existence d’éléments objectifs justifiant la différence de rémunération ».
Cet arrêt, qui n’est qu’une illustration de la répartition de la charge de la preuve en matière d’égalité de traitement, retient malgré tout l’attention sur plusieurs points :
- Alléguer n’est pas prouver !
- Augmentation individuelle et pouvoir de l’employeur
Dans notre affaire, la Cour de cassation n'a pas eu à se prononcer sur cette question de savoir si l’employeur peut attribuer des augmentations individuelles en vertu de son pouvoir de direction : l'employeur n'est en effet pas parvenu a franchir l'étape de la justification de la différence.
Il a bien tenté d’expliquer que les augmentations individuelles étaient attribuées en fonction de performances individuelles, et que le service auquel appartenait le salarié avait réalisé des performances décevantes. Mais cela n’a pas suffit à prouver que la différence de traitement était justifiée !
La solution aurait-elle été différente si ces arguments avaient été étayés par des preuves aussi simples que, par exemple, des résultats chiffrés des différents services concernés ?
(1) Cass.soc, 13.01.2004, n°01-46407
(2) Cass.soc, 30.04.2009, n° 07-40527
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