Peut-on être licencié pour avoir témoigné contre son employeur ?


 


Non, a répondu la Cour de cassation, consacrant la « liberté fondamentale de témoigner ». Selon la Haute juridiction, un licenciement prononcé en raison d'une attestation produite par un salarié doit être annulé, sauf à prouver la mauvaise foi. Cass.soc.29.10.13, P n°12-22447.
Un salarié a été licencié après avoir rédigé une attestation en faveur d’un collègue (et ami), dans le litige qui l'opposait à l’employeur. Ce dernier reprochait audit collègue certains propos. Son ami, présent lors des faits, a décidé de témoigner en sa faveur et s’en est même ouvert à ses autres collègues au sein de l’entreprise, ne faisant donc pas mystère de son opposition à l’employeur dans cette affaire.
A la suite de quoi, l’employeur a décidé de licencier ce « témoin gênant », en se fondant sur son attestation et sa prise de position publique, qu’il estimait constitutifs d’un manquement à l’obligation de loyauté, dont est tenu tout salarié.
Le salarié, auteur du témoignage, a saisi la justice d’une demande de réintégration en raison de la nullité de son licenciement[1], prononcé selon lui en violation de deux libertés fondamentales : le droit à un procès équitable et la liberté d’expression[2].
En appel, les juges du fond ont donné raison à l’employeur. Selon eux, le licenciement n’a pas été prononcé en raison de l’attestation produite, mais de son caractère mensonger, ainsi que de la publicité qui lui a été donnée par le salarié (lequel en avait informé ses collègues).
Toutefois, dans un arrêt du 29 octobre dernier, la Cour de cassation désapprouve cette solution: « en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d’une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d’une attestation délivrée par un salarié au bénéfice d’un autre est atteint de nullité, sauf mauvaise foi de son auteur ». Or, en l’espèce, le caractère mensonger de l’attestation n’était pas établi.
La Haute juridiction donne un caractère solennel à sa solution en visant la convention européenne des droits de l'Homme [3]. Si le droit de témoigner contre son employeur était jusqu’à présent, expressément protégé dans des cas bien précis (harcèlement, discrimination…), le voilà maintenant érigé au rang de liberté fondamentale, supplantant l’obligation de loyauté découlant du contrat de travail. A condition toutefois, d’être de bonne foi…

[1] Depuis un arrêt de 2001, tout licenciement prononcé en violation d’une liberté fondamentale est nul : cass.soc.13.03.01, Bull.civ., V, n°87.
[2]En effet, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales protège le droit à un procès équitable, dont la liberté de témoigner et de recueillir des témoignages (article 6, §3, d) est une composante, et garantit également la liberté d’expression (article 10).
[3] Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.


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