Par service juridique-CFDT
La Cour de cassation consacre enfin le caractère exclusif et incontournable de la rupture conventionnelle pour toute rupture d’un commun accord du contrat de travail. Elle affirme en effet que, sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues pour la rupture conventionnelle. Cass. Soc., 15.10.14, n° 11-22251.
- Sur le principe de la rupture d’un commun accord
Avant 2008, la Cour de cassation (1) avait admis la possibilité pour les salariés et les employeurs de rompre à l’amiable le contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions de droit commun (art. 1134 du Code civil (2)).
Cette faculté n’exigeait aucun formalisme particulier, ce qui n’offrait donc pas de réelles garanties au salarié qui, dans le cadre d’une relation de travail, se trouvait presque toujours dans une situation déséquilibrée vis-à-vis de l’employeur (pas d’indemnités de rupture, pas de protection préalable de l’intégrité du consentement, pas d’allocations chômage,…).
Cette faculté n’exigeait aucun formalisme particulier, ce qui n’offrait donc pas de réelles garanties au salarié qui, dans le cadre d’une relation de travail, se trouvait presque toujours dans une situation déséquilibrée vis-à-vis de l’employeur (pas d’indemnités de rupture, pas de protection préalable de l’intégrité du consentement, pas d’allocations chômage,…).
Dans le but de privilégier les solutions négociées lors des ruptures du contrat de travail, tout en garantissant les droits des salariés et en minimisant les contentieux, la loi du 25 juin 2008, issue de l'accord signé par la CFDT sur la modernisation du marché du travail, a introduit la rupture conventionnelle.
Ce mode de rupture repose sur le consentement mutuel des parties, et prévoit, à cette fin, un ensemble de mesures destinées à sécuriser la rupture du contrat : un formalisme et des garanties (information préalable, assistance des parties, indemnités de rupture, homologation par l’administration, droit au versement des allocations chômage,…).
Dans ces circonstances, est-il encore possible, de rompre un contrat de travail d’un commun accord sans respecter le formalisme de la rupture conventionnelle? Autrement dit, doit-on considérer que la rupture conventionnelle est l’unique mode de rupture d’un commun accord, ou au contraire, qu’elle ne constitue qu’un nouveau mode de rupture à l’amiable parmi d’autres ?
C’est à cette interrogation qu’a dû répondre la Cour de cassation dans son arrêt du 15 octobre 2014.
- L’affaire
En l’espèce, l’employeur et la salariée ont, d’un commun accord, mis fin au contrat de travail. La salariée a par la suite saisi la juridiction prud’homale pour faire juger que la rupture s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
De son côté, l’employeur s’est fondé sur le Code civil pour affirmer la validité de la rupture amiable. En effet, l’article 1134 dudit Code n’imposant aucun formalisme particulier, on aurait pu considérer que la rupture était valable dès lors que les consentements n’avaient pas été viciés (art. 1109 du Code civil).
De son côté, l’employeur s’est fondé sur le Code civil pour affirmer la validité de la rupture amiable. En effet, l’article 1134 dudit Code n’imposant aucun formalisme particulier, on aurait pu considérer que la rupture était valable dès lors que les consentements n’avaient pas été viciés (art. 1109 du Code civil).
La cour d’appel a pourtant jugé que la convention destinée à mettre fin au CDI n'était pas valable et que la rupture devait donc produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, celle-ci n’avait pas été établie dans le respect des dispositions relatives à la rupture conventionnelle (en particulier les garanties relatives à la tenue d'entretiens, à l'assistance du salarié et au droit de rétractation du salarié).
La Cour de cassation a suivi les juges du fond. Après avoir posé le principe de l’article L. 1231-1 du Code du travail, selon lequel le CDI « peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié oud’un commun accord dans les conditions prévues par le présent titre », elle rappelle que cet article est inséré dans le Titre III du Code du travail. Or ce Titre, ne fait référence qu’à un seul mode de rupture amiable : la rupture conventionnelle (3), régie par les articles L. 1237-11 et suivants.
En combinant ces deux articles, la Cour en déduit que « sauf dispositions légales contraires (4), la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par le second (article) relatif à la rupture conventionnelle ». A défaut la rupture produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ce qui est le cas en l’espèce.
- Une solution prévisible
Cette solution était, certes, attendue mais prévisible. En effet, les juges du fond avaient, à plusieurs reprises, eu l’occasion de juger que lorsqu’un accord amiable ne respectait pas les dispositions relatives à la rupture conventionnelle (5), il ne pouvait valablement rompre le contrat de travail.
La Cour de cassation, qui ne s’était pas encore prononcée sur ce point, valide donc cette analyse et fait ainsi de la rupture conventionnelle le seul mode autorisé de rupture amiable (sauf dispositions légales contraires) d’un contrat de travail à durée indéterminée.
Cette décision est en harmonie avec l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 (6), dont un des objets était de « sécuriser les conditions dans lesquelles l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie ».
En faisant de la rupture conventionnelle un mode de rupture autonome et exclusif alliant liberté du consentement et garanties tant pour le salarié que pour l’employeur, la loi, et désormais les juges, en font le nouveau cadre légal commun à toutes les ruptures d’un commun accord (hors PSE et accords de GPEC).
En faisant de la rupture conventionnelle un mode de rupture autonome et exclusif alliant liberté du consentement et garanties tant pour le salarié que pour l’employeur, la loi, et désormais les juges, en font le nouveau cadre légal commun à toutes les ruptures d’un commun accord (hors PSE et accords de GPEC).
En décider autrement aurait risqué d’amoindrir les garanties des salariés.
(1) Cass. Soc., 02.12.03, n°01-46.176
(2) Art. 1134 du Code civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. (…) »
(3) Chapitre VII, section 3 du Code du travail
(4) Par exemple les plans de départs volontaires organisés dans le cadre d'un accord collectif de gestion prévisonnelle des emplois et des compétences (GPEC) ou d'un plan de sauvegarde de l'emploi
(5) CA de Toulouse du 24.01.13, n°11-03522 ; CA de Riom 12.06.12, n°11-00992 : notamment en ce qui concerne le versement d’indemnité de rupture ou encore d’homologation par l’administration
(6) ANI du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail